Mécréantes
Bienvenue dans Mécréantes, le podcast de Léane Alestra qui interroge en profondeur nos représentations autour du genre.#feminisme #culture #histoire #sociologie
Mécréantes
La Lolita et la mégère, Partie 2
Il y a la figure de la Lolita, celle de la jeune fille fraiche, sublime et naïve et celle de la mégère, aigrie, expérimentée mais peu valorisée. L’on divise l’une, la Lolita et l’autre, la mégère pour catégoriser la valeur des femmes selon des critères qui sont masculins. Car oui, aujourd’hui encore, c’est le regard masculin, le male gaze comme on dit, qui tente de nous dicter la valeur d’une femme. Or, face à cette division, les femmes mûres redoutent que les benjamines les supplantent et les plus jeunes craignent de leur ressembler un jour.
Nous opposer, permet d’empêcher la transmission entre les femmes plus jeunes et leurs ainé.e.s. Or, sans transmission les jeunes sont plus facilement manipulables et en proie aux violences de genre. Pour mieux appréhender cette dichotomie, celle de la Lolita VS la mégère, et tous les enjeux intimes et politiques qui en découlent, j'ai consacré les deux prochains épisodes à cette question.
L'épisode au format vidéo sous-titré est ici
👩🏫 INTERVENANT· E· S :
Pierre Verdrager, Sociologue, chercheur associé au CERLIS (Université Paris Descartes), il possède une triple spécialité : sociologie de la culture, sociologie de l'homosexualité et de la pédophilie, épistémologie des sciences sociales. Il est notamment l'auteur du livre Le grand renversement aux éditions Armand Colin paru en 2021.
Sophie Dancourt, est journaliste et éditrice de presse, elle a fondé le média digital "J'ai Piscine Avec Simone " dédié aux femmes de 45 et +. Elle est spécialiste de la question du vieillissement des femmes. Son média féministe interroge le regard de la société sur ses normes jeunistes et discriminantes pour les femmes qui ne sont pas autorisées à vieillir. Elle a créé le podcast "Vieille c'est à quelle heure ?" et écrit en 2022 un livre du même nom, paru chez Leduc.
Sources des extraits :
- La Petite Sirène - Ursula, Pauvres âmes en perdition, 1998
- Blanche Neige - La méchante reine, 1938
- Madame Bovary - Le bal, 1991
- Alain Finkielkraut sur Greta Thunberg était invité par Ali Baddou dans la matinale de France Inter, vendredi du 20 septembre 2019
- Déclaration d'Alain Finkielkraut, en 2009 sur France Inter, au sujet de l'affaire Polanski
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Léane (Mécréantes): Bonjour à toutes et à tous. Bienvenue dans cette deuxième partie du podcast La Lolita et la mégère. Déjà, premièrement, merci beaucoup pour votre patience parce que je sais que vous êtes nombreux et nombreux à attendre cette deuxième partie depuis plusieurs mois. Et voilà, nous y sommes, C'est enfin le grand jour. Si vous n'avez pas écouté la première partie, je vous invite vivement à le faire pour comprendre le propos de cet épisode. Aujourd'hui, on va chercher à comprendre comment ce qu'on appelle le grooming, à savoir le déséquilibre de pouvoir entre un individu âgé qui en sait trop et un second individu jeune qui n'en sait pas assez, a été légitimé en France sous couvert d'ouverture d'esprit et de libération sexuelle. Pour en parler, nous recevrons le sociologue Pierre Verdrager.
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Pierre Verdrager: Je suis chercheur en sociologie depuis de nombreuses années. J'ai travaillé sur différentes questions et la question pour laquelle je suis le plus connu, c'est la question de la pédocriminalité. J'ai publié en 2013 un livre qui s'appelle L'enfant interdit et j'ai publié également un livre abrégé plus grand public, qui s'appelle Le Grand renversement, qui a été publié aussi dernièrement.
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Léane (Mécréantes): Mais ce n'est pas tout. On ne peut pas appréhender la question du poids de l'âge chez les femmes et les personnes minorisés sans questionner l'âgisme dans son ensemble, y compris celui qui touche de plein fouet les femmes dites d'âge mûr. Il est très important de comprendre que les stéréotypes qui touchent les jeunes femmes et les moins jeunes sont deux faces d'une même pièce. Eh oui, car si on divise la jeune femme qu'on pourrait appeler la Lolita de celle qui est moins jeune que l'on pourrait surnommer la mégère, c'est précisément car le patriarcat a tout à gagner lorsqu'il nous oppose et nous met en concurrence. Pour aborder cette thématique qui est la stigmatisation des femmes mûres, autrement dit des mégères bien utiles d'ailleurs à ceux qui pratiquent le grooming. Nous allons recevoir Sophie Dancourt.
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Sophie Dancourt: Moi, j'ai 61 ans aujourd'hui et je suis la fondatrice du média digital "J'ai piscine avec Simone". Je m'intéresse au vieillissement des femmes et à l'âgisme, et en particulier moi, je veux déconstruire tous les stéréotypes liés au vieillissement des femmes, qui est totalement inégalitaire par rapport à celui des hommes. Et je suis l'autrice d'un livre qui vient de sortir, qui s'appelle "Vieille. C'est à quelle heure?"
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Léane (Mécréantes): Cet épisode nous permettra de démêler enfin ces dialectiques et ces deux archétypes, de la jeune fille à la femme mûre. Très bonne écoute.
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Générique: Générique
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Léane (Mécréantes): On l'a déjà toutes et tous entendu cette petite phrase anodine disant que les filles mûrissent plus vite que les garçons. C'est cette phrase qui à elle seule fait qu'une adolescente sera évidemment flattée lorsqu'un garçon plus âgé, donc pour la société plus mature, s'intéressera à elle. C'est cette croyance qui fait qu'on sourcille à peine quand Vincent Cassel débute une relation avec Tina Kunakey, peu après son tournage pour le personnage de Gauguin. Et ce, alors même que Tina Kunakey est mineure à l'époque où il la rencontre et qu'il a 30 ans de plus qu'elle quand il commence une relation. Une situation qui est un brin ironique quand on sait que Gauguin, le personnage qu'il jouait à cette époque, était déjà critiqué de son vivant parce qu'il entretenait des relations sexuelles avec des filles haïtiennes d'environ douze ans. Une situation qui ne soulève pas de grands émules, ce qui en dit long des questionnements autour de ces dynamiques dans notre société. Alors attention, tous les couples avec une différence d'âge ne sont pas forcément malsains. Toutefois, nombre d'entre eux ont été nourris par ce qu'on appelle le grooming, pour reprendre les mots de la journaliste Malia Kounkou qui a écrit un article à ce sujet dans Urbania. Le grooming désigne un mode de manipulation lent, méthodique et intentionnel, basé sur la construction d'un faux lien de confiance. Plus ce lien est établi, plus l'emprise de la personne qui tient les ficelles augmente et lui permet à terme d'obtenir ce qu'elle veut de la victime et ce qu'elle veut. C'est très souvent des faveurs sexuelles. Toujours selon la journaliste Malia Kounkou, le grooming repose principalement sur un déséquilibre de pouvoir entre un individu qui en sait trop, qui a trop d'expérience et un second individu qui n'en sait pas assez. Un homme plus âgé pourra ainsi promettre monts et merveilles à une jeune personne qui ne sait encore rien dans la vie et recevoir en retour un regard aussi adorateur que flatté en se disant par exemple il m'a choisi moi.
00:05:02
Journaliste archive INA: Extrait d'une archive de l'INA : Est ce que vous auriez épousé un homme plus jeune que vous?
00:05:05
Inconnue ITW INA: Oh oui, je ne vois pas d'inconvénient s'il m'avait plu et tout. Oui, je ne vois pas la différence.
00:05:09
Inconnu ITW INA: Oui, pour vivre à deux au même âge, il faut énormément d'imagination. Alors vous pensez avec une différence d'âge importante pour une femme enfant par rapport à moi, c'est à dire plus âgé, je me sentirais pas coupable.
00:05:21
Journaliste archive INA: Ce que vous pensez que c'est l'homme qui doit être le plus âgé? En principe, oui. Pour pouvoir guider la femme.
00:05:25
Inconnu ITW INA: Je peux pas dire le contraire puisqu'on a huit ans d'écart. Alors voyez vous, je pense que la fille doit d'être plus jeune.
00:05:31
Journaliste archive INA: Vous ne pourriez pas aimer quelqu'un de très jeune ?.
00:05:33
Inconnue ITW INA: Non.
00:05:33
Journaliste archive INA: Pourquoi?
00:05:35
Inconnue ITW INA: Parce que j'ai besoin de sécurité et que j'ai l'impression que quelqu'un de plus jeune ne pourrait pas me donner cette sécurité pour.
00:05:41
Inconnue ITW INA: Pour l'équilibre d'un ménage, je crois que c'est essentiel que l'homme soit plus agé que la femme.
00:05:46
Journaliste archive INA: Pourquoi ?
00:05:47
Inconnue ITW INA: Un homme qui est plus agé qu'une femme a déjà une situation, établit un principe, donc il peut arriver à maintenir un ménage.
00:05:54
Inconnue ITW INA: Personnellement non. J'ai besoin de quelqu'un qui est plus mûr que moi. Parce que je considère que l'homme est un chef de famille. Je préfère avoir un mari plus âgé que moi.
00:06:08
Inconnue ITW INA: Je ne vois pas l'utilité que l'homme soit plus vieux que la femme parce qu'il a déjà suffisamment tendance à être paternaliste comme ça. Ce n'est pas la peine de lui donner une possibilité de plus, de jouer les bons papas.
00:06:19
Léane (Mécréantes): Cette situation. C'est exactement ce que nous a décrit Imma dans le premier volet consacré à cette thématique. Il faut comprendre aussi que ce phénomène, celui du grooming, est très loin d'être nouveau et ne se limite pas aux rapports hétérosexuels. Ce sont aussi des dynamiques que l'on a retrouvées aussi dans la communauté gay en France, notamment au moment de Mai 68. Derrière le grooming, il n'y a pas seulement des rapports interpersonnels, mais bien un projet politique qui a tenté de s imposer en France et qui laisse toujours des traces. Pour en discuter, nous allons tout de suite écouter le point de vue du sociologue Pierre Verdrager à ce sujet.
00:06:54
Pierre Verdrager: Dans les années 70-80, c'était pris dans un mouvement évidemment de révolution sexuelle, qui avait des côtés évidemment tout à fait positifs et qui a abouti à ce qu'on est en train de vivre aujourd'hui. C'est la libération de la sexualité, du discours sur le sexe, de la normalisation de l'homosexualité, la libération des femmes évidemment, le féminisme, tout ce qui touche à l'avortement, à la libération du corps, c'est des acquis vraiment très importants de ces années là. C'est une époque qui a produit beaucoup de choses extrêmement positives. La difficulté, c'est que dans ces années là aussi, il y a eu une incursion dans le domaine de la pédophilie. C'est-à-dire qu'on pensait enfin, certains pensaient, surtout des hommes en général, pensaient que le combat pour la pédophilie faisait partie du combat à mener, au même titre que les autres causes que je viens d'évoquer. Alors je dis c'est surtout les hommes et beaucoup de gays qui étaient dans cette idée. Pourquoi je dis ça ? Parce que la littérature l'indique, la littérature de cette époque là. Par exemple, le journal Guêpiers a été jusqu'au bout, jusqu'en 91, dans la défense de la pédophilie. Grosso modo, les femmes, elles, ont pas été du côté de la défense, de la pédocriminalité. Il y a eu des femmes isolées qui sont intervenues dans dans le débat en faveur de ça. Mais grosso modo, au total, c'est quand même un truc d'hommes. La défense de la pédocriminalité, ce qu'on appelle aujourd'hui pédocriminalité, puisque dans ces années là, on n'appelait pas comme ça. C'est un terme très récent, mais ce qu'on appelait alors la pédophilie de façon plus ou moins consensuelle, qu'on appelait avant pédérastie. Mais bon, dans les années 70-80, c'était quand même plutôt pédophilie. Le tabou qu'on employait dans ces années là. C'est vrai qu'il y avait une transversalité politique. Souvent, on utilise la question pédophile pour faire le procès de Mai 68, pour mettre au banc les gauchistes, et cetera. Et j'ai montré dans mon livre que c'était vraiment pas justifié et qu'on retrouvait des thèses propédophiles à droite à l'extrême droite. Alors c'était pas les mêmes arguments, pas tout à fait. En tout cas, il y avait des thématiques qui étaient un peu différentes. Par exemple, à gauche, on privilégie plutôt des modèles égalitaires de relations, c'est à dire qu'on envisageait les relations adultes enfants comme des choses égalitaires. Ça veut dire que les enfants étaient considérés comme des personnes, donc les enfants étaient grandis et symétriquement, les adultes étaient rapetissés. Chaque personne a une âme d'enfant et on obtenait une réduction de l'écart qui pouvait y avoir entre les adultes et les enfants. Ça, c'était plutôt un argumentaire de gauche. A droite, au contraire, où les valeurs sont plutôt articulées selon une logique différentielle de rapports de force, on procédait pas de la même façon. Au contraire, le fait d'être adulte et d'être enfant était idéalisé dans la mesure où chacun était à sa place et ses places n'étaient pas réversibles, c'est-à-dire qu'il y avait un enfant, enfant, il y avait un adulte, adulte. Il y avait un contrat de relationnel entre les deux qui était une relation pédagogique asymétrique, et c'était ça qui était plutôt privilégié par les gens d'extrême-droite, avec des arguments quand même différents. Mais au total, on s'est retrouvé avec une transversalité politique. Donc ça, c'est important de le rappeler parce qu'il y a beaucoup de journaux d'extrême-droite qui se sont adossés à mon travail pour essayer de montrer que Mai 68, c'était quelque chose d'épouvantable. Donc c'est vraiment une lecture tout à fait biaisée du travail que je montre que ce n'est pas du tout comme ça que ça s'est posé, que la défense de la pédophilie à cette époque là par les gauchistes était vraiment claire, mais c'était un des aspects seulement de la problématique et qu'on pouvait rendre raison de ce qui s'était passé à cette époque là en parlant de la totalité du spectre politique. Après, ça s'est complètement arrêté. Il y a eu un retournement d'une situation où le monde social a appris par la parole des victimes, par le jeu des associations, par tout ce qui a pu être dit aussi sur l'inceste. Il y a eu une masse critique informationnelle qui a émergé sur cette question et qui a complètement disqualifié la défense pédophile de ces années là de façon quasiment unanime. Alors il y a bien eu aujourd'hui des prises de position dans la gauche radicale ou dans la droite radicale qui essaient de dire que ce qui est en train de se passer actuellement, c'est pas forcément formidable. Mais grosso modo, ces prises de positions sont quand même très marginales. Il y a une espèce de consensus social en France, et pas qu'en France, sur l'idée que les relations sexuelles entre les adultes et les enfants aient quelque chose, enfin, sont quelque chose d'inacceptable.
00:11:13
Léane (Mécréantes): Ces trois dernières années, lorsque les féministes ont dénoncé massivement la tolérance envers les pédocriminels, dans le milieu de la culture notamment, on entendait beaucoup en réponse qu'elles faisaient preuve d'une forme de puritanisme. Qu'en pensez vous?
00:11:27
Pierre Verdrager: Ce n'est pas du tout une évolution puritaine. C'est une évolution qui considère que le consentement des personnes, c'est la boussole cardinale pour statuer sur la légitimité des liens. C'est ça qui compte. Je crois vraiment que cette histoire de puritanisme est aussi une manière d'attaquer les femmes, d'attaquer les féministes, de délégitimer leur combat. Ces réductions au puritanisme sont généralement le fait d'hommes. La question de la pédocriminalité elle est complètement liée à celle de la domination. Ça, c'est tout à fait clair. Mais pour moi, en tant que citoyen, parce que là, ce n'est pas une réponse sociologique que je peux vous faire. Mais pour moi, c'est des combats qui sont qui sont pertinents, qui ne sont pas puritains et qui ont tout à fait vocation à prospérer. Ça a conduit les hommes à réinventer leur masculinité avec des choses plus équilibrées, avec des leçons à tirer du mouvement féministe. Les femmes et les féministes de par l'Histoire, ont partie liée avec le care, avec le soin, avec la proximité aussi avec les enfants de par la division sexuelle du travail traditionnel qui fait que les femmes comprennent mieux les questions liées aux enfants. Ce n'est pas dans les gènes, évidemment, c'est l'Histoire et que ça a entraîné un rapport à la liberté complètement différent que ce que les hommes pouvaient ressentir. Dans les années 70 la liberté, c'était la liberté de faire ce qu'on veut. Et pour les femmes, la liberté, c'était la liberté de ne pas subir ce qu'on n'a pas envie de subir.
00:12:59
Léane (Mécréantes): La pédocriminalité, qui a été défendue par certains gays dans les années 70, s'inscrit dans une Histoire, notamment le lien qu'ont dressés les hommes homosexuels occidentaux avec l'Antiquité. A l'époque grecque et dans une partie de l'époque romaine, il était tout à fait normal pour un homme d'avoir des relations avec ce qu'on appelait à l'époque un mignon, c'est à dire un jeune homme à peine pubère. Il avait aussi d'ailleurs des relations avec des esclaves et des femmes, mais comme ce n'était pas vraiment des vies qui comptaient dans cette société, ce n'était même pas en soi un vrai sujet. Donc, quel est le lien aujourd'hui? Évidemment, on a ce discours très homophobe qui tenterait un raccourci en disant que les homosexuels sont des pédocriminels, et cetera. Il ne s'agit pas du tout de ça, mais il s'agit par contre de considérer l'influence que la société romaine et grecque dans l'Antiquité a eu sur nombre de philosophes, y compris des philosophes appartenant à la communauté homosexuelle. Donc, il y a déjà à l'Antiquité un peu cette notion de grooming, même si c'est évidemment un terme totalement anachronique, mais quand même, on voit qu'il y a déjà cette notion d'un homme qui va dominer une très jeune personne. Donc là, en l'occurrence, étaient des jeunes hommes et les façonner quelque part. On peut dresser un parallèle entre la figure, archétype de la Lolita et celle du mignon, parce que c'étaient les mêmes traits, en fait, qui étaient valorisés, donc un physique juvénile et des qualités qui leur étaient alloués ou supposément alloués plutôt, comme la gaieté, la fragilité, la vulnérabilité et la curiosité. Ou encore l'innocence très important, l'innocence, tout ce qui était considéré comme associé à l'enfance et à une certaine forme d'influence qui était possible d'exercer sur elleux.
00:14:55
Léane (Mécréantes): Voilà ce que nous pouvons dire aujourd'hui de la situation autour du grooming et de ses racines politiques. Mais j'aimerais revenir cette fois au rapport des femmes entre elles. Il faut comprendre que notre société actuelle porte toujours les traces de son histoire, y compris de son histoire genrée. À partir de la Renaissance, les métiers qui étaient autrefois féminins et qui permettaient à certaines femmes d'être plus ou moins autonomes sont progressivement bannies. C'est le cas des brassières par exemple, donc des femmes qui étaient chargées de brasser la bière et de la vendre. Si leur autonomie est progressivement combattue, il faut bien garder en mémoire que la majorité des femmes ont toujours travaillées et continuent à travailler simplement là, à cette période là, elles ne peuvent plus disposer des salaires qu'elles percevaient et dépendent de l'autorité de leur père quand elles sont jeunes, puis de leur mari pendant toute leur vie. Évidemment, dans cette société, le fait d'être veuve ou célibataire était très mal vu et conduisait le plus souvent à une très grande précarité. Par ailleurs, il faut comprendre que, à ces époques, donc avant le XXᵉ siècle et à partir de la Renaissance, les rôles entre femmes étaient très codifiés, y compris dans le milieu bourgeois et avant celui là, dans la noblesse. Au début du XIXᵉ siècle, par exemple, la famille française rurale s'organise autour de deux personnages centraux. Le premier est le maître qui dirige l'exploitation, c'est le patriarche et qui représente la famille à l'extérieur. Le deuxième personnage, c'est son épouse qui elle organise le travail domestique. Cette exploitation familiale, elle est donc dirigée par l'homme le plus âgé ou son fils aîné. Globalement, c'est le chef suprême. Il domine sa femme, les personnes les plus jeunes et représente, on l'a dit, l'exploitation dans la sphère publique. Les hommes dans la force de l'âge s'occupent du plus gros des travaux agricoles et les plus jeunes et les vieillards, eux, ont en charge la garde des animaux. Du côté des femmes, il y a la maîtresse de maison qu'on appelle La done. Elle, elle veille sur l'activité domestique et dirige les autres femmes, parfois les domestiques, quand il y a de l'argent. Et elle fabrique aussi le pain pour la maison. Les femmes âgées, elles, aident les plus jeunes à préparer le trousseau du mariage aux côtés des mères des futures mariées. Donc très bien, là, je vous fais un petit cours historique et vous vous demandez peut être où je veux en venir et quel est le rapport avec le grooming et les mégères? On y arrive, ne vous inquiétez pas. Traditionnellement, le rôle des femmes mûres, comme on dit, était donc de préparer les jeunes filles pour le mariage. Mariage évidemment hétéro et qui doit être honorant pour la famille. Les mères et les grands mères avaient pour mission de préparer les jeunes filles à être de bons partis. La jeune fille promise, elle, au moment du mariage, quittait sa famille, parfois son village, pour rejoindre la famille et le lieu d'habitation de son époux. Dans sa nouvelle famille, elle dépend entièrement de l'autorité et du bon vouloir de son mari et risque, si elle ne satisfait pas ce dernier, d'être reniée. Un tel cas, celui d'être renié, c'est un vrai danger car cette situation est hautement déshonorante, à la fois pour elle et pour sa famille. Il y a un risque réel d'être confronté au rejet et de la famille de son mari et de sa propre famille, et donc de se retrouver basiquement à la rue. Historiquement donc, les jeunes femmes étaient séparées vers leur puberté des autres femmes de leur famille pour être catapultés dans une autre famille dans laquelle, par leur jeunesse, elles pouvaient être vues comme des concurrentes. Par ailleurs, le rôle des femmes plus mûres était de préparer les femmes plus jeunes, non pas au bonheur, mais au mariage et aux normes morales qui existaient pour satisfaire leurs maris. Le tout dans l'objectif que la jeune fille ne soit pas reniée par le mari. Et pour que cela se passe bien, il fallait donc enseigner aux jeunes filles les lois et les règles patriarcales. En d'autres termes, il fallait les former au male gaze, au regard masculin et à comment le satisfaire.
00:18:55
Léane (Mécréantes): Mais alors, quel rapport avec aujourd'hui, me diriez vous? Alors certes, en 2022, les choses vont changer. Nous pouvons travailler et être relativement autonomes financièrement, même si attention, l'égalité économique est très très loin d'être arrivée. Et pourtant, malgré cette évolution du statut économique des femmes, nos relations entre femmes, elles, ont gardé des stigmates de ce passé. Mais si, mais si. Pensez y. On est encore saturé d'images de marâtre dans nos contes. Toute la société fait encore peser aux femmes mûres l'idée qu'elles sont, excusez moi, du terme, périmées et remplaçables par des filles plus jeunes. De l'autre côté, je ne compte plus le nombre de jeunes filles qui se sont pris des réflexions par leurs mères ou par des femmes plus âgées de leur entourage concernant leur poids, leurs tenues, leurs conduites. Comme si le fait de nous préparer à plaire au regard des hommes continuait et devait continuer à être inculqué par nos aînés. Et aujourd'hui encore, surtout, nous continuons à avoir très peu de liens intergénérationnels entre femmes. Nous nous voyons encore comme des concurrentes et nous ne sommes pas encouragées à écouter l'expérience des femmes qui en ont plus que nous et à entamer un dialogue commun pour avancer. Bref, le patriarcat continue encore de nous diviser. Aussi, dans ma vie personnelle, j'ai toujours eu à cœur de beaucoup échanger avec des femmes de générations plus anciennes que la mienne pour comprendre leur vie et leur histoire. Par ces liens de confiance que j'ai créé avec certaines d'entre elles, j'ai compris à quel point certaines problématiques auxquelles ils étaient confrontées n'étaient jamais abordée dans l'espace public. Heureusement, les choses sont en train de bouger. Je pense notamment au livre de Martine Delvaux, Le monde est à toi, adressé à sa fille, ou encore à des initiatives comme celles de Sophie Dancourt, qui travaille sur la visibilité des femmes cinquantenaires. Et c'est pourquoi nous allons lui laisser la morale. Parce que jusqu'à présent, on a beaucoup parlé de la figure de la Lolita. Arrêtons nous maintenant sur l'autre face de cette pièce, celle, entre guillemets, de la mégère.
00:20:54
Sophie Dancourt: J'en avais un peu assez de voir aucune femme qui me ressemblait quand j'ai commencé à avoir 55 ans dans les dans la presse féminine généraliste, et je me disais mais en fait, on n'existe jamais, sauf quand on ressemble à Isabelle Huppert. Donc je trouvais ça un peu réducteur, c'est à dire une image de femme toujours mince, toujours lisse, toujours plutôt blanche d'ailleurs, et plutôt et plutôt sans cheveux blancs. Du coup, je me suis dit il y a sûrement plein d'autres femmes et j'ai commencé à gratter un peu à chercher et je me suis aperçue qu'il y avait plus de 11 millions de femmes qui avaient entre 45 et 65 ans. Et je me suis vraiment posée de la question de savoir où elles étaient. Et donc j'ai commencé à écrire sur ce sujet là et je me souviens très bien qu'à l'époque on m'a dit une femme de 50 ans, mais ce n'est pas un sujet à quoi? Qu'est ce que tu veux dire sur les femmes de 50 ans? Il n'y a rien à en dire. Et moi, je pensais vraiment pas ça. Et au fil des années, j'ai décidé de lancer ce blog comme un véritable média. Et donc j'ai obtenu une reconnaissance du ministère de la Culture en tant que média digital. Et aujourd'hui, je m'aperçois que beaucoup de gens s'emparent de ce sujet là alors qu'il y a quelques années, c'était un non-sujet. Je pense qu'il y a beaucoup de femmes qui ont commencé à libérer la parole, beaucoup d'ailleurs sur Instagram qu'on commencer à parler de ce sujet là. Et je pense que la société court toujours après son évolution et que ces femmes là font bouger, ont fait bouger les choses. Et puis, c'est vrai, la crise du Covid a remis les femmes de ma génération au centre du jeu, parce que ce sont majoritairement les femmes qui s'y sont collées dans la gestion du Care. Il y a un vrai impensé sur le vieillissement des femmes, c'est à dire qu'on s'est représenté une jeune femme de 30 ans. On s'est représenté une femme de plus de 70 ans. Mais ce qui est au milieu, c'est un espèce de grand chaînon manquant et on n'a pas de représentation des femmes de 50 ans. On n'arrive pas à savoir qui elles sont physiquement et en fait. Moi, je m'aperçois Quand je cherche des photos d'illustration pour mes articles, je tombe sur la trentenaire ou sur l'octogénaire. Il y a très peu de représentation physique des femmes autour de 45-50 ans et c'est très compliqué parce que ce qui n'est pas représenté n'existe pas or il n'y a pas de représentation physique de ces femmes. Et je parle de représentation qui ne soit pas des représentations fantasmées, pas des femmes qu'on va trouver au cinéma, qui joueront le rôle de femme de 50 ans, mais comme auront 30. Tant qu'on n'a pas cette représentation, on n'existe pas. En général, on pense que les femmes n'ayant plus, avec plein de guillemets d'utilité sociale, c'est à dire ne sont plus dans la maternité, dans la reproduction, on pense que leur cerveau s'assèche de la même manière. C'est complètement faux. C'est complètement irréaliste de penser ça et je pense que la plupart des femmes démontrent aujourd'hui qu'à partir de 50 ans, c'est une espèce de deuxième liberté qui arrive parce qu'on est débarrassé de plein de choses. Justement, on en peut être débarrassé de la maternité et de tout ce qui va avec. On a en même temps notre expérience, donc ça devrait être une période de grande liberté et au contraire, on nous enferme. Les mégères elles sont d'un côté inutiles parcequ'elles ne se reproduisent pas, mais en même temps, c'est un âge de pouvoir puisqu'elles sont libres, elles ont du temps. Elles pourraient être vues comme des rivales potentielles en termes de puissance au sein des entreprises par rapport aux hommes. Et c'est justement à ce moment là où on leur remet un couvercle sur la tête en leur donnant une véritable date de péremption. On en revient toujours au mythe de la sorcière la femme qui vieillit, elle est forcément une sorcière. Pourquoi? Elle est une sorcière? Parce qu'elle a la connaissance, et donc les femmes qu'on de la connaissance est très dangereux. Le mythe de la sorcière, c'était la femme qui allait faire des avortements clandestins, c'était celle qui savait soigner. On ne savait pas trop ce qu'elle faisait. Les hommes en avaient peur. Et donc, quelque part, le côté sorcière, il est toujours là.
00:24:36
Extrait de la sorcière Ursula dans la petite sirène: Je n'ai pas toujours été gentille et sincère. J'ai vraiment mérité le nom de sorcière, mais vous verrez qu'aujourd'hui je suis bonne avec autrui. Repenti, j'ai voulu faire marche arrière. Oui, oui. Et il est vrai que je connais un peu de magie. C'est un talent que j'ai toujours possédé qu'aujourd'hui, par bonté d'âme, j'ai mis, je le proclame, au service de tous les corps désespérés.
00:25:05
Sophie Dancourt: Les hommes sont glorifiés dans leur vieillissement. On a plein de représentations comme ça. On va nous balancer George Clooney et le vieillissement chez les hommes qui sont matures, qui retrouvent une certaine autorité, de la puissance. Enfin, on est dans tous les critères du patriarcat à ce moment là sur le vieillissement et les femmes sont carrément stigmatisées. Puis, de façon c'est vrai que les dessins animés nous montent toujours des représentations de cinquantenaires. C'est la marâtre de Cendrillon, Il y en a plein, en fait, de ces représentations là de femmes jalouses de la jeunesse des héroïnes.
00:25:39
Extrait reine-sorcière dans Blanche Neige: Mangeons la pomme dans le chaudron pour qu'elles s'imprègnent de poison. On voit apparaître sur le fruit le symbole de ce qui détruit. Pomme devient rouge pour tenter Blanche-Neige et lui donner envie de te croquer quand elle mordra dans cette pomme, pour goûter à ce fruit mortel, son souffle s'arrêtera, son sang se glacera et je serais la plus belle sur terre. Ha ha ha ha ha ha ha ha!
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Sophie Dancourt: Moi je pense que les femmes ne sont pas jalouses enfait. La société est un miroir qui en fait projettent les images de la jeunesse perdue sur ces femmes là. Or ces femmes là ne sont pas toujours en train de pleurer leur jeunesse perdue. Il y en a plein qui semblent beaucoup mieux, même physiquement, à 50 ans qu'à 20 ans. On pare la jeunesse de tous les attributs. Mais moi je me souviens qu'à 20-25 ans, je ne me sentais pas si merveilleusement bien dans ma peau. Alors qu'aujourd'hui oui, très bien parce que on a effacé la notion de jugement. C'est à dire que je pense que quand on est jeune, on en a beaucoup font attention au jugement que portent les autres sur soi. Quand on vieillit, on s'en fout. Effectivement, il y a toujours un cloisonnement entre les femmes qui restent dans la lumière et qui sont forcément jeunes et forcément belles. C'est à dire que le critère physique est plus important que tout. Et la mégère, ce serait celle qui est acariâtre, qui aurait évidemment perdu sa jeunesse, mais qui a perdu sa beauté. On a jamais la connaissance d'un équilibre qu'aurait une femme à tous les âges de la vie. Finalement, on table plutôt sur son déséquilibre. Oui, la nymphette, elle, serait manipulable et la vieille femme serait en colère aigris et jalouse. Mais ce que cela dit, c'est que finalement les femmes ne sont définies que par leur corps. Et quand on définit les gens et les individus que par leur corps, alors on est forcément très réducteur. Donc on pourrait faire appel aussi, je pense au cerveau, à l'âme des femmes, à la notion de sororité qui me semble moins super importante. Alors c'est un mot qui a été très utilisé, employé, galvaudé. Mais je pense que la question de nous sommes soeurs à un sens extrêmement profond et qui impliquerait de véritables transmissions entre la nymphette et la mégère si on reprend les deux extrêmes. Mais ces ces deux extrêmes doivent se parler parce que parce que chacune va connaître l'évolution de l'autre ou l'autre, la déjà connue. Mais cette représentation là, elle est constante. C'est à dire que quand je regarde les titres de la presse people, c'est même à un degré d'inconscience, je pense de toujours dans les termes et dans les photographies, de voir une star américaine. Alors je ne sais plus qui c'était. Je crois que c'était Demi Moore et elle, une de ses filles qui étaient ensemble sur un tapis rouge. Et j'ai beaucoup vu de titres qui commençaient par La fille de Machin lui vole la vedette. Tant qu'on mettra en parallèle des générations en plus sur un lien filial qui est quelque chose d'extrêmement fort, donc c'est très pernicieux parce que la société renvoie quelque chose, c'est d'une grande violence. Et je pense que cette violence là, elle est faite à toutes les femmes parce que je ne pense pas que ça soit non plus un service à rendre aux jeunes filles. Il y a une espèce de forme d'adoubement par la société, c'est à dire qu'on fait son entrée dans le monde comme le peut être ça se faisait il y a quelques siècles, quand on faisait son entrée dans le monde à travers à travers un bal. Je pense qu'il y a cette présentation de : "Voilà, il faut passer la main". Et puis la mère, elle, disparaît. Il y a une presque, une injonction à l'effacement parce qu'à un moment donné, mais où tout serait ridicule quand on vieillit. Moi, j'avais un truc qui me rendait dingue et c'est pour ça que je crois que j'ai monté, j'ai piscine avec Simone, je voyais beaucoup d'articles féminins avec des injonctions négatives qui étaient "passées 50 ans il faut se couper les cheveux. Passé 50 ans, on ne porte pas de jupe au dessus du genou, passé 50 ans, on cache ses bras,...". Si on regarde un peu toutes ces injonctions au négatif, ça veut dire que le physique des femmes n'est pas pris en compte pour celui qui l'est. Avec le vieillissement qui est normal, on a une culpabilisation sans cesse de ce corps qui vieillit et en nous montrant des espèces d'icônes inaccessibles qui, elles, sont restées minces, qui elles n'ont pas de rides et donc en culpabilisant toutes les millions de femmes qui ressemblent pas à ces modèles complètement irréalistes. Mais il y a aussi, je crois, qu'il y a une absence totale de transmission de parole entre les mères et les filles au moment où les mères commencent à vieillir. Je pense qu'il y a beaucoup de femmes qui n'en parlent pas, qui se cachent un peu et je pense que notamment, on évoquait la ménopause. Mais je pense que les mères devraient parler avec leurs filles de la ménopause. Et quand la ménopause s'installe chez les mères c'est bien d'expliquer aux filles ce qui se passe parce que moi, j'étais complètement halluciné de voir des témoignages de femmes qui avaient plus de 50 ans et qui disaient Oh là là! Mais je crois que je suis en dépression. Elles se renseignaient pour se rendre compte au bout d'un moment, ce n'était pas du tout de la dépression et que c'était juste en ménopause. C'est à dire qu'elles mêmes ne sont pas informées ou ne se sont pas informées parce que de la même manière, leurs mères leur ont pas parlé. Donc, il y a une espèce d'absence de transmission comme ça qui fait que, au lieu de dire que c'est un passage physiologique de la vie et que ça peut très bien se passer puisqu'on a plein de sociétés où le mot ménopause n'existe pas. Au Japon, il y a le mot konecki, qui signifie le vieillissement à la fois pour les hommes et pour les femmes. Et c'est Cécile Charlotte, qui est sociologue et qui a écrit La Fabrique de la ménopause, explique que dans certaines sociétés africaines, les femmes retrouvent toute leur puissance une fois qu'elles sont ménopausée, parce qu'elles deviennent alors à l'égal des hommes parce que, bien sûr, faut pas rater la comparaison quand même. Mais elles peuvent devenir chef de guerre, prendre des décisions et elles retrouvent de la puissance. Donc c'est ces modèles là, alors, sans être chef de guerre, mais c'est ces modèles là qu'il faut qu'on donne à nos filles.
00:32:14
Léane (Mécréantes): En conclusion, la figure de la lolita de la jeune fille renvoie aux attentes contradictoires qui pèsent sur les jeunes filles. Lorsque ça arrangera la société, on dira d'elle qu'elle est incapable d'avoir des opinions et qu'elle n'est qu'une enfant. Comme quand Alain Finkielkraut explique que la jeune activiste de seize ans, Greta Thunberg, est trop jeune pour avoir des idées et un engagement politique sans être influencé par les adultes autour d'elle.
00:32:39
Extrait de Alain Finkielkraut: Je trouve lamentable que des adultes s'inclinent aujourd'hui devant une enfant. Je crois que l'écologie mérite mieux et il est clair qu'une enfant de seize ans, quel que soit le symptôme dont elle souffre, est évidemment malléable et influençable. Et nous avons mieux à faire pour sauver ce qui peut l'être
00:33:07
Réponse de Ali Baddou: Maléable et influençable ? Elle demande de prendre en compte les données scientifiques du GIEC, à son âge, vous étiez maoïste Alain Finkielkraut.
00:33:14
Extrait de Alain Finkielkraut: D'accord, mais je vous expliquait ce que c'était et que je n'en étais pas fière.
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Réponse de Ali Baddou: Elle demande de prendre en compte des données scientifiques qui concernent le réchauffement climatique.
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Extrait de Alain Finkielkraut: Arrêtez Ali Baddou et laissez moi répondre.
00:33:23
Réponse de Ali Baddou: Pourquoi arrêterais je?
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Extrait de Alain Finkielkraut: Eh bien parce que parce que nous avons mieux à faire pour sauver ce qui peut l'être de la beauté du monde que de nous mettre au garde à vous devant Greta Thunberg et d'écouter les abstraites sommations de la parole puérile.
00:33:39
Léane (Mécréantes): Mais de la jeune fille. On dira également toujours quand cela nous arrange, qu'elle n'est pas un enfant et qu'elle sait ce qu'elle fait. C'est par exemple ce qu'avait dit aussi Alain Finkielkraut en parlant d'une victime de Polanski de treize ans en disant qu'elle n'était pas une enfant.
00:33:55
Extrait de Alain Finkielkraut: Polanski n'est pas pédophile. Sa victime, la plaignante qui a retiré sa plainte, qui n'a jamais voulu de procès public, qui a obtenu réparation, n'était pas une fillette, une petite fille, une enfant au moment des faits. C'était une adolescente qui posait nue ou dénudée pour Vogue Homme et Vogue Homme n'est pas un journal pédophile.
00:34:19
Léane (Mécréantes): Eh bien Alain, il faut savoir, non ?
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Léane (Mécréantes): De l'autre côté de la pièce, nous avons la figure de la mégère représentant une femme qui a de l'expérience et est capable de recul et de conseil envers les plus jeunes. Cette dernière, on aimerait la faire basculer très rapidement dans la catégorie gentille grand mère. On la trouvera charmante du moment qu'elle renonce à toute forme de pouvoir et de fermeté et qu'elle se met à disposition de tout le monde tout le temps. Mais attention, si elle sorte de cette catégorie maternante attendue d'elle, elle pourra être très vite renvoyée à l'image repoussoir de la mégère en colère, aigrie et rébarbative. Tous ces archétypes, que ce soit celui de la jeune fille, de la Lolita ou de la mégère, n'ont qu'une fonction nous mettre en concurrence et nous présenter des figures idéalisées ou repoussoirs pour mieux nous astreindre à un rôle. Mais aujourd'hui, nous pouvons enfin en parler entre nous. Nous avons la possibilité d'entamer un dialogue intergénérationnel et de nous nourrir les unes des autres. Alors saisissons cette chance. Tant que ces deux faces de la même pièce sauront toujours renvoyer dos à dos sans cesse comparées et opposées, nous ne pourrons pas nous regarder. Alors retournons ces deux faces, celle de la Lolita et celle de la mégère. Regardons nous, unissons nous et avançons ensemble. Merci pour votre écoute.
00:35:35
Léane (Mécréantes): Cet épisode de Mécréantes est maintenant terminé. Merci beaucoup pour votre écoute. Merci infiniment à Pierre Verdrager et Sophie Dancourt pour leur temps et cette interview. Merci à Laura de Momepodcast pour le montage et à vous surtout pour l'écoute. Pour soutenir le podcast, vous pouvez me rejoindre sur Patreon, avec l'équivalent d'un verre par mois vous pouvez soutenir cette émission totalement indépendante et me permettre de continuer à créer des contenus pour tous et toutes. Merci encore et à très vite.